J’ai grandi dans un quartier, une banlieue de l’est de la France. On était, selon mes souvenirs, 90% d’enfants d’origine étrangère 10% de français « blanc ». A cette époque, on était un groupe de jeunes (filles et garçons) qui avaient les mêmes repères. C’est-à-dire les mêmes interdits, les mêmes restrictions et je dirais que l’on avait aussi tous les mêmes parents. Nos parents ont commencé à nous éduquer avec les moyens et les méthodes avec lesquels eux-mêmes ont été élevé. Interdiction de sortir le soir, on avait rarement le droit d’aller au cinéma et encore moins à une fête. Au mois de Ramadan, tout le monde jeûnait, c’était la règle.
Seulement voilà, le jour où nous sommes sortis de ce quartier (au moment du lycée) je me suis rendu compte qu’en France il y avait plus de blanc que ce que je croyais et qu’eux n’avait pas la même éducation que nous !!!!
Quelle surprise pour moi et pour ceux qui étaient avec moi. Oui parce qu’il faut savoir que sur les 30 enfants qui formaient notre groupe, nous sommes peut-être 5 à avoir fait une seconde générale. Vous vous demandez pourquoi, c’est simple. Beaucoup de parents ne connaissaient pas le fonctionnement du système scolaire et pour la plupart d’entre nous, nos parents n’avaient jamais eux-mêmes été à l’école.
Moi, j’ai eu la chance d’avoir des parents qui malgré leur « ignorance » savait l’importance de faire des études et de bonnes études. J’ai le souvenir de ma mère qui restait assisse à coté de nous pour que l’on fasse nos devoirs même si elle-même ne comprenait pax !! Il nous était impossible de mentir à nos parents sur nos résultats scolaires. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, je n’ai pas compris comment ne sachant ni lire ni écrire (ou si peu !), ils comprenaient toujours très bien les bulletins scolaires !!!
En plus, il faut savoir que le système scolaire ne nous laissait pas faire nos preuves. Il faisait le choix de nos vies pour nous. Les garçons (magrébin et africains bien sûr) iraient en mécanique, les filles en secrétariat ou vente. Ceux d’entre nous qui exprimaient l’envie de faire autre chose se voyaient rétorquer : « Vous n’en serez pas capable ». !!!!
C’est pourquoi lorsqu’on atteint l’âge de l’adolescence et que l’on côtoie les français « blancs » on ne comprend pas pourquoi on n’a pas les mêmes privilèges.
Pourquoi eux ils habitent dans de jolies maisons alors que nous on doit vivre dans les HLM. Pourtant, nos pères n’ont pas rechignés à la tâche, ils se levaient tôt, travaillaient dur pour nous donner la meilleure vie possible.
En France, nous sommes considérés comme enfants d’immigrés. Au Maroc, nous sommes considérés comme enfants d’émigrés. Alors en France, nous ne sommes pas de vrais français et au Maroc pas de vrais marocains.
Et un jour, on me parle de parti politique marocain. Je me dis tiens, alors il y a des politiciens au Maroc !! La sœur qui m’en parle me dit que ce parti s’intéresse aux marocains résidant à l’étranger et aux jeunes également. Je me dis enfin quelqu’un qui s’intéresse à nous, qui sait que l’on existe et pas seulement que l’on lorsqu’il arrive des événements dans les banlieues !!
Je décide alors d’aller à une de leur réunion. Ils m’ont expliqué ce qu’ils faisaient dans l’association, le rôle de chacun, les objectifs de l’association etc…
Au bout de 2h, je n’ai entendu parler ni de politique marocaine ni des jeunes franco-marocains. Je suis attristée, j’avais cru pendant un moment qu’on allait s’intéresser à nous, à notre histoire, à notre vécu et à nos besoins et attentes. Mais rien. Nous n’existons toujours pas aux yeux des marocains arabophones, ou alors on existe mais nous ne sommes pas utiles.
J’explique que mon ressentis à la sœur qui m’avait parlé du parti. Elle tente de me rassurer en me disant que cette réunion était axé sur un problème : l’envoi de lit médicalisé au Maroc. Elle me dit qu’une rencontre est prévu avec un membre politique venant du Maroc. Je me dis « allons l’écouter »
Beaucoup de choses sont dites, toutes intéressantes. Mais encore une fois, personne ne parle de nous, les franco-marocains. Cette fois-ci, je le dis à ceux qui veulent bien m’entendre. On me dit que le Maroc a besoins des jeunes franco-marocains. Ce que je veux vous dire c’est que ce n’est pas le Maroc qui a besoin de nous mais ce sont nous les franco-marocain qui avons besoins du Maroc. Ne le comprenez-vous donc pas !!
On a besoin d’être reconnu comme marocain à part entière. Nos besoins, les voilà :
• Social : lieu d’écoute et d’orientation. certaines personnes ne connaissaient pas le fonctionnement du système français vont voir l’assistante sociale. Parfois c’est pour seulement remplir une déclaration. Nous sommes alors considéré comme des sous-hommes, des ignorants. Lorsqu’une personne va voir l’assistante sociale, il est obligé de ravaler sa fierté. Car il est considéré comme inférieur
.si le Maroc mettait des personnes compétentes au service de ses ressortissants, il ne s’agira plus de demander assistance mais ce serait un marocain qui aide un autre marocain.
• Educatif : Le Maroc devrait aider ses jeunes marocains de France à étudier. D’abord en mettant en place des aides au devoir. Puis pour les plus compétents, leur permettre d’atteindre une certaine élite (HEC, ENA, St Cyr,…) en les aidant financièrement.
Ainsi la jeunesse marocaine en France (et non plus jeunes français d’origine marocaine !!) sera une jeunesse instruite.
On sait que les enfants dérapent lorsqu’ils sont face « l’ennui », quand ils n’ont rien à faire. Le Maroc devrait aider les parents en proposant des colonies, des camps (au Maroc) pendant les vacances scolaires.
En fait, le Maroc ne doit pas laisser sa jeunesse inactive, inerte.
• Professionnel : les personnes qui ont fait des études se retrouvent souvent au chômage cela est dû à plusieurs facteurs : racisme, préjugés…
Le Maroc doit soutenir ces jeunes à la recherche d’un emploi. Et pourquoi pas proposer à des personnes qualifiées la possibilité de travailler au Maroc, pour le Maroc.
Je sais bien que certaines de ces choses sont utopiques. Mais comme dit Jacques Attali dans son livre fraternités Une nouvelle utopie : « L’utopie n’est que le nom donné aux réformes lorsqu’il faut attendre les révolutions pour les entreprendre. »
Voilà, il faut avouer que ma rancœur envers le Maroc est grande. A aucun moment, ils ne nous ont tendu la main ou ne serait-ce qu’un doigt !!
J’espère que ce cri du cœur sera entendu et surtout qu’il sera compris.