Jeudi, réunis en plein centre d'Alger, sur la principale artère Didouche Mourad, les protestataires - des militants des droits de l'homme, des étudiants et des journalistes, majoritairement jeunes - ont lancé des slogans hostiles à la candidature de l'actuel président, âgé de 77 ans et au pouvoir depuis 15 ans.
Au lendemain de l'officialisation de la candidature du président algérien Abdelaziz Bouteflika, le mouvement Barakat ("ça suffit !") est né.
"Algérie libre et démocratique", "52 ans, Barakat", "Nous en avons marre de cet homme à demi mort et des voyous qui l'entourent. Il faut que l'équation politique change" ont-ils scandé.
Comme lors d'une précédente manifestation dispersée par la force samedi dernier, une armada de policiers avait été déployée pour empêcher les manifestants de se regrouper et de bloquer la circulation. Signe de la détermination des autorités à étouffer toute contestation avant le scrutin du 17 avril, les forces de l'ordre ont interpellé une quarantaine de manifestants, dont Amina Bouraoui, une des fondatrices de Barakat, ainsi que plusieurs journalistes. "Nous ne faisons qu'appliquer la loi qui interdit les manifestations publiques à Alger", s'est défendu un membre des forces de l'ordre.
Le Syndicat national des journalistes (SNJ) a condamné "avec la plus grande fermeté cette nouvelle atteinte à la liberté d'expression et de la presse". Les manifestations de rue sont interdites dans la capitale depuis le 14 juin 2001, date à laquelle une gigantesque marche en faveur de la Kabylie a tourné à l'émeute. Huit personnes avaient péri. Des milliers avaient été blessées. Treize ans plus tard, le mouvement Barakat ne parvient, pour l'heure, qu'à rassembler quelques dizaines de personnes à chaque manifestation.
Selon le sociologue Nacer Djabi, présent à la manifestation, le mouvement de contestation n'en est "qu'à ses débuts". "Nous avons constaté que des mouvements similaires, en Tunisie et en Égypte, ont mis du temps à se cristalliser", explique-t-il.
Nacer Djabi souligne qu'"il est préférable que Barakat reste un mouvement citoyen, à l'écart des partis politiques, car ces derniers ont perdu toute crédibilité". Lundi, la première apparition en deux ans d'Abdelaziz Bouteflika à la télévision a relancé les interrogations sur ses capacités à diriger le pays. Le chef de l'État, victime d'un AVC en avril 2013 qui l'a amené à être hospitalisé durant 80 jours à Paris, est apparu assis au Conseil constitutionnel où il s'était déplacé pour déposer son dossier de candidature.