Economie mondiale : Les investissements directs repartent à la hauss
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- Écrit par SEZAME
- Catégorie : Economie
« Les perspectives de l'investissement étranger direct (IDE) au niveau mondial semblent bonnes pour 2005 », écrit la Cnuced dans son dernier rapport annuel sur l'investissement dans le monde. Et de prévoir qu’en 2006, « les flux mondiaux sont susceptibles de s'accroître si la croissance économique se consolide et se généralise ».
Ces prévisions confirment que l’économie mondiale a bien digéré le choc de l’éclatement de la bulle internet en 2001 et des attentats du 11-Septembre aux Etats-Unis. Pour mémoire, les investissements transnationaux s’étaient tassés de 2001 à 2003 en raison des pertes enregistrées par les grandes compagnies après les effondrements des grandes places boursières.
L’autre grand enseignement de ce rapport, c’est que les pays en développement (PED) profitent plus que leurs homologues aux économies avancées de ce regain de l’investissement. Ainsi, les entrées de capitaux étrangers ont augmenté de 40% à destination des PED, alors qu'elles baissaient de 14% dans les pays développés. Du coup, les PVD vont attirer 36% du flux total des IDE, soit un niveau jamais atteint depuis 1997.
« Le niveau élevé des flux d'investissement étranger direct vers les PED va probablement se maintenir », relève Anne Miroux, responsable de la publication du rapport. « Les sociétés transnationales cherchent à améliorer leur compétitivité en renforçant leur présence sur les marchés à forte croissance des économies émergentes et en recherchant de nouveaux moyens de réduire leurs coûts », explique-t-elle.
Et cette dynamique met en lumière un autre enseignement, encore plus important puisqu’il remet en cause certaines idées reçues selon lesquelles les délocalisations ne concerneraient pas la matière grise. Pour la Cnuced, le « quasi-monopole des pays développés sur la formation des scientifiques et des ingénieurs est peu à peu remis en cause ». Et de rappeler qu'au début de la décennie, la Chine, l'Inde et la Russie formaient déjà à elles seules le tiers des étudiants des établissements techniques supérieurs dans le monde.
En clair, la recherche et le développement, la fameuse R&D, n’est plus cantonnée dans les pays riches et cette activité est elle aussi soumise à délocalisation. Les ingénieurs et les chercheurs occidentaux sont donc, comme l’était hier l’ouvrier spécialisé, menacés par des concurrents aux prétentions salariales moins élevées. La Chine et l’Inde sont les destinations les plus citées en terme de R&D selon l’enquête de la Cnuced auprès des grandes transnationales (69% d'entre elles prévoient qu'une part croissante de leurs dépenses en recherche et développement se fera à l'étranger). En Chine, le nombre de centres de R&D appartenant à des entreprises étrangères est en effet passé de zéro à 700 en l’espace de 10 ans.
Si les Etats-Unis s’intercalent entre ces deux géants asiatiques, le Japon, le Royaume-Uni, la Russie, la France et l'Allemagne viennent bien après dans les intentions d’investissement ce qui préfigure d’une lutte acharnée entre les pays occidentaux pour conserver leurs métiers à forte valeur ajoutée.
En termes statistiques, la Chine reste la championne du monde des IDE dans les PED, avec 61 milliards de dollars (+13% dans les arrivées de capitaux étrangers). En terme plus globaux, les Etats-Unis sont restés la première destination mondiale des IDE avec 96 milliards de dollars (+42%).
Mais le chiffre le plus frappant concerne l'Union européenne dans son ensemble qui a vu ses entrées d’IDE baisser de 36% à 216 milliards de dollars et cela malgré les 10 nouveaux membres, qui ont rejoint l'Union l'an dernier (+ 69%, pour un « petit » total 20 milliards de dollars). Quant à la France, elle rétrograde à la septième place avec une chute des IDE de 43% à 24 milliards de dollars. Une contre-performance d’autant plus remarquée qu’en 2003, l’Hexagone avait constitué la troisième destination pour les investissements transnationaux après les Etats-Unis et la Chine.
L’Afrique, va elle aussi profiter de la hausse des IDE hors des pays développés. Selon la Cnuced, ces flux ont atteint un record de 18 milliards de dollars en 2004 contre un flux moyen de 2,2 milliards de dollars dans les années 1980 et de 6,2 milliards de dollars dans les années 1990. Mais la Cnuced n’est pas dupe et dresse un constat insatisfait de la situation des IDE en Afrique.
Cette hausse est d’abord à relier à l'augmentation de la demande d'hydrocarbures et de minerais dont l'Afrique est richement dotée. Cependant, l'Afrique reste "marginalisée dans une économie de plus en plus mondialisée", déplore la Cnuced: elle ne représente que 2 à 3% des flux mondiaux, contre 6% dans les années 1970, et un peu moins de 9% des flux destinés aux pays en développement, contre un maximum de 28% en 1976.
Dans un rapport récent intitulé « le développement économique en Afrique: repenser le rôle de l'investissement étranger direct" (IED), l’organisation souligne le fait que l’Afrique dépend trop des investissements dans le secteur minier et préconise de mener "des stratégies industrielles cohérentes" (fiscalité différenciée, mesures contre les prises de contrôle) afin de profiter des IED pour diversifier les exportations et promouvoir les infrastructures.
La Cnuced met ainsi en garde contre « le danger de s'enfermer dans un développement par enclaves » de production de produits primaires pour l'exportation. Ces enclaves dépendent en effet de technologies importées et ont peu de liens avec le reste de l'économie, avec un "réinvestissement limité des gains".
Parmi les effets pervers des IED, le rapport mentionne les sorties massives de bénéfices et le risque de "chasser les entreprises locales". En outre, "le surcroît d'exportations peut obliger à une forte augmentation des importations, avec des conséquences incertaines pour la balance des paiements".
« Nous devons réexaminer le rôle des IED en Afrique, qui n'ont pas généré la croissance, la diversification ni les transferts de technologie espérés », a déclaré à l’AFP le nouveau secrétaire général de la Cnuced, Supachai Panitchpakdi.
Ainsi au Ghana, où les exportations d'or ont triplé depuis 15 ans, l'Etat n'a reçu en 2003 en impôts et redevances que 46,7 millions de dollars, soit 5% de la valeur totale de ces exportations ! La proportion est de 10% en Tanzanie, dont l'or a rapporté 890 millions de dollars entre 1997 et 2002 aux compagnies minières.