Ces mots qui peuvent blesser
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- Écrit par SEZAME
- Catégorie : Chronique
Oui, l’inconscient parle et parle surtout comme un langage. Il suffit de se mettre à son écoute pour en débusquer les travers. Tous les travers, qui font fi de toute convenance, de toute bonne éducation pour liver au détour d’un mot ou d’une phrase le fond de la penée.
Je réagi ici à l’usage d’un mot rencontré de plus en plus et destiné à rendre compte d’individus, d’hommes, sans les nommer bien entendu. Certes, il ne s’agit que d’immigrés et en l’occurrence ici de vieux immigrés mais des hommes tout de même.
« Un homme est un homme » dit l’adage créole. C’est cette dignité que paraît retirer malheureusement à ces hommes l’usage du sobriquet de « navette » : Les « navettes » qui retournent souvent au pays ; les « navettes » qui vivent dans les foyers ; les « navettes » qui viennent toucher leur retraite en France; il faut gérer les « navettes » ; il faut trouver des solutions pour les « navettes » ; etc…..
On ne peut même pas arguer dans ce sens un banal glissement oral ou autre taquinerie du même mauvais goût. Parce qu’on écrit aussi au sujet des « navettes ». On plaide la cause des « navettes ». On s’emeut même de leur sort, mais en les amputant ma foi de leur condition: Celle d’être des hommes tout simplement.
Bienvenue donc à « navette » venu enrichir notre vocabulaire tenu sur les immigrés et autres « sonacos » comme on dit notoirement. Et qu’on ne nous dise pas que ce vocable est puisé dans une nouvelle culture urbaine, ni dans la littérature géographique ou sociologique. Chez les géographes comme chez les sociologues, la mobilité résidentielle puisque c’est de cela dont il s’agit au fond et c’est à cela et rien qu’à cela qu’on devrait penser et nous en tenir, désigne une situation ou une dynamique sociale et non pas un référencement identitaire.
Et à toute fin utile en cette même occasion, offrons-nous un petit instant d’anthropologie culinaire. Au Maroc, les habitants de certaines régions, ne consomment le navet ou la navette
que lors de repas d’enterrement. Ainsi la vulgate populaire marocaine associe cet oliagineux à un met de chargin. Il serait donc d’une apparence triste (hazin c’est-à-dire endeuillé), comme le laisserait voir son enrobage mauve.
Je doute fort, que dans l’utilisation récente de ce vocable on a pu penser un instant à tout cet enjeu sémantique. Un chat c’est un chat et un immigré c’est un immigré. Gardons donc à la langue et aux mots leur désignation, leur poids suffit largement. N’est-ce pas ce que suggérait la publicité : Le poids des mots,…….
Alors entre oliagineux triste (navet, navette), ou même vaisseau spacial, prenons simplement l’habitude de nommer les gens de la façon la plus élémentaire et qui est leur condition : Des hommes aussi.