La république Tchèque, on vend encore les enfants
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- Écrit par SEZAME
- Catégorie : Actualité
Le parcours d'Helena, passée entre les mains d'une vingtaine de souteneurs ""avec 20 à 30 clients par jour"", illustre un fléau social persistant en République tchèque où la pauvreté et la détresse sociale réduisent certaines familles à prostituer leurs enfants, parfois dès le plus jeune âge.
Apparu au début des années 90 avec la fin du communisme et l'ouverture des frontières, le phénomène perdure depuis, selon Jiri Istvanik, le chef de l'unité spéciale de la police de Cheb, petite ville proche de l'Allemagne, connue comme un haut-lieu du tourisme sexuel.
L'intégration du pays dans l'UE a vu peu d'effets: ""tant que la situation économique n'évoluera pas et qu'il y aura des différences de niveau de vie des deux côtés de la frontière, ça continuera"", assure Ludmilla Irmscher, militante de l'organisation non-gouvernementale allemande Karo, depuis 10 ans sur le terrain.
En 2005, 119 adultes ont été poursuivis pour proxénitisme sur des enfants, dont 20 récidivistes, selon le ministère tchèque de l'Intérieur, un chiffre qui, selon les associations spécialisées devrait être démultiplié pour refléter la réalité.
De 5 à 10% des femmes victimes de trafic sur le territoire tchèque sont mineures, selon un rapport publié en 2004 par l'Institut de Criminologie tchèque (IKSP). Les clients viennent essentiellement d'Allemagne, Autriche et Grande-Bretagne, selon le ministère.
A Cheb, certains assurent que la prostitution enfantine est un mythe alimenté par les tziganes qui utilisent surtout les enfants comme appâts, pour attirer les pédophiles dans les bas quartiers et les détrousser.
Les autorités municipales et la police, elles, déplorent la prostitution des mineurs et assurent tout faire pour l'éradiquer. ""La communauté rom est le principal pourvoyeur, les gens sont pauvres et c'est pour eux un moyen de survivre"", affirme Jiri Istvanik.
Selon Jan Svoboda, le maire de Cheb, la loi tchèque qui fixe à 15 ans la majorité sexuelle, contre 18 ans en Allemagne, contribue à attirer les amateurs de chair fraîche.
La banalisation est telle que, dans les jardins publics de cette ville de 36.000 habitants, les jeunes enfants jouent ""aux prostituées et aux maquereaux"", selon une enquête publiée par l'Unicef en juin 2005. A Cheb, un enfant sur quatre considère la prostitution comme un gagne-pain légitime, un sur trois dit avoir vu un enfant se prostituer, selon cette enquête.
""Il nous arrive de voir des filles de 13-14 ans passer la nuit au bord de la route"", déplore Martina, une intervenante de Karo qui sillonne régulièrement la zone frontalière pour distribuer préservatifs et seringues aux prostituées.
Ces tournées visent à briser l'isolement des filles et leur proposer une aide. ""Mais c'est très difficile parce que les prostituées ont peur de parler, avec leur maquereau à proximité"", souligne Martina.
Pour les enfants, la situation est encore plus complexe, car elle implique souvent des parents en perdition sociale, selon les travailleurs sociaux.
Helena, 26 ans aujourd'hui, a passé son enfance dans une institution où elle dit avoir subi des violences. Raconter son histoire ""lui fait mal au coeur"".
Vendue, revendue, battue, droguée, elle a travaillé pendant des années sur les routes ou dans les bars privés qui pullulent à la frontière tchéco-allemande. Enceinte de neuf mois, elle racolait encore, à la maternité, elle n'a jamais vu son enfant que ses souteneurs ont donné pour adoption sans demander son avis.
L'été dernier, pour l'intimider, ses tauliers lui ont projeté une video où une fille qu'elle avait côtoyée dans un night-club se faisait égorger par ""des hommes de la mafia russe"", accusée de contrôler le milieu dans la région.
C'est ce qui l'a décidée à ""changer de vie"", avec l'aide de Karo.