Le ministre français de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, a eu lundi soir, lors d'une émission télévisée, un échange animé avec une Française d'origine algérienne, qui s'est définie comme ""algérienne"", et à qui il a fait remarquer qu'elle n'était pas plus algérienne que lui hongrois.
Le candidat à l'élection présidentielle, favori de la droite, inaugurait l'émission de TF1 ""j'ai une question à vous poser"" (il faisait face à 100 personnes qui lui posaient des questions).
L'habitante de Lille (nord), prénommée Hayette, lui reprochait d'avoir nommé à la tête du Conseil français du culte musulman (CFCM) ""un Algérien"", alors que ""la majorité des musulmans (en France) sont marocains"".
""Vous avez mis un Algérien à la tête du CFCM, ce n'est pas normal, moi je suis algérienne"" mais ""les Marocains sont majoritaires. Pourquoi on n'a pas le droit à la démocratie dans notre propre culte musulman?"", lui a demandé la jeune femme.
""Vous n'êtes pas une Algérienne, vous êtes une Française. A mes yeux, vous n'êtes pas une Algérienne, et je ne suis pas un Hongrois"", lui a rétorqué M. Sarkozy, dont le père est d'origine hongroise.
M. Sarkozy a également fait remarquer que Dalil Boubaker, président du CFCM, n'était pas non plus algérien ""mais français"".
""Pas une fois en 30 ans de vie politique, je n'ai défendu une idée qui n'était pas profondément républicaine"", a-t-il dit.
""Je suis le premier homme politique de droite à dire qu'il faut une immigration choisie. Mais je dis aussi une chose avec la plus grande force: personne n'est obligée d'habiter en France. Et quand on aime la France, on la respecte"", a-t-il ajouté.
""On respecte ses règles, c'est-à-dire qu'on n'est pas polygame, on ne pratique pas l'excision sur ses filles, on n'égorge pas le mouton dans son appartement et respecte les règles républicaines"", a-t-il insisté.
La jeune Lilloise lui a répondu: ""les propos que vous venez de tenir sur les moutons ce sont des propos racistes. Il y a des réglementations, il y a des abattoirs, on est civilisés"", a-t-elle dit, en ajoutant. ""c'est honteux, je suis d'origine algérienne et je suis musulmane et je me sens insultée, complètement"".
""Vous avez tort"", a répliqué le ministre-candidat. ""D'abord pour moi, les Musulmans sont des Français (...) Nous avons le droit, nous les Français, de dire pour notre pays, comme les Américains le disent pour le leur, comme les Espagnols le disent pour le leur, qui est le bienvenu sur notre territoire, qui n'est pas le bienvenu"".
""Quand on voit toutes ces bonnes consciences expliquer qu'il faut régulariser tout le monde, à l'arrivée, on excite les pulsions racistes.
Si M. Le Pen (extrême droite), aujourd'hui, ne tient pas le haut du pavé, ce n'est pas parce que vous manifestez à quelques-uns, c'est parce que simplement, la droite républicaine fait son travail"" ""Je n'ai jamais été raciste, je n'ai jamais partagé aucune des idées de M.
Le Pen. Je suis l'homme politique qui a le plus débattu avec Le Pen"", a également fait valoir M. Sarkozy.

Le travail


Le candidat UMP a détaillé son projet pour "réhabiliter le travail" devant le panel représentatif du corps électoral constitué par l'institut TNS-Sofres.
Nicolas Sarkozy avait placé la barre très haut en acceptant d'être le premier candidat invité de la nouvelle émission politique de la première chaîne. Jacques Chirac avait été mis en difficulté lors d'une émission similaire avec des jeunes lors de la campagne du référendum du 29 mai 2005 sur la Constitution européenne.
Le ministre-candidat, debout devant les gradins rouges et blancs sur lesquels étaient assis les 100 Français, s'est plutôt bien sorti des pièges inhérents à cet exercice à hauts risques. Il n'a pourtant pas été épargné.

Homoparentalité

Il a ainsi été interpellé par Guillaume Coquet et Frédérick Carles Font, deux homosexuels, sur le mariage et l'adoption par les couples de même sexe. Traité d'"homophobe" par l'un d'eux, il ne s'est pas démonté, rappelant qu'il était "le premier homme de droite" à proposer un contrat d'union civile signé en mairie et son hostilité à l'adoption par les couples homosexuels. "C'est mon droit de considérer que le mariage c'est l'institution familiale qui permet d'avoir des enfants", a rétorqué le candidat.
Un vif échange a ensuite opposé Nicolas Sarkozy à un autre interlocuteur, Jérôme Monod, qui l'a accusé de se servir "des idées racistes pour arriver à (ses) fins" avec son slogan "La France, on l'aime ou on la quitte". "Je n'ai jamais été raciste", s'est-il défendu, assumant sa volonté de parler aux électeurs du Front national.
"Mais, quand on habite en France, on respecte ses règles: on n'est pas polygame, on ne pratique pas l'excision sur ses filles, on n'égorge pas le mouton dans son appartement", a poursuivi le ministre de l'Intérieur, soulevant les applaudissements d'une partie du panel, mais également l'indignation.
"C'est honteux", "je me sens insultée", a crié Hayate Adjadj, d'origine algérienne. "C'est un propos raciste." La jeune femme a alors interrogé Nicolas Sarkozy sur "son ami" Johnny Hallyday, parti en Suisse pour payer moins d'impôts.

Thuram et les banlieues

Le ministre de l'Intérieur a aussi été interpellé sur ses désaccords avec Lilian Thuram, qui s'était indigné de sa déclaration sur les banlieues à passer au "kärcher". "La réalité des banlieues je la connais mieux que lui", a-t-il répliqué, rappelant qu'il n'y avait pas eu de mort lors des 27 nuits d'émeutes de l'automne 2005.
Pour le reste, le ministre-candidat a eu le temps de détailler son projet sur tous les sujets, caressant souvent son auditoire dans le sens du poil.
En réponse à une retraitée, le candidat UMP s'est engagé à "revaloriser les petites retraites" grâce aux économies dégagées par la réforme des régimes spéciaux.
Il a par ailleurs précisé sa proposition d'instaurer une franchise sur les "cinq ou dix" premiers euros de dépenses de santé annuelles de chaque patient et s'est prononcé en faveur d'une réforme de l'hôpital.
Cinq jours après la mise en œuvre de l'interdiction de fumer dans les lieux publics, il s'est interrogé sur l'application de la nouvelle règle dans les cafés-tabac des départements ruraux.

Les magasins ouverts le dimanche

Questionné sur le prix de l'essence, le candidat a jugé incompréhensible que les compagnies pétrolières ne répercutent pas la baisse du cours du pétrole sur les prix à la pompe.
Favorable à une "société de liberté", il s'est prononcé pour l'ouverture des magasins le dimanche sur la base du volontariat.
Le ministre-candidat a enfin eu droit à quelques questions politiques. Interpellé sur son mélange des genres entre son statut de candidat et sa fonction de ministre de l'Intérieur, il a précisé qu'il partirait "un peu plus d'un mois" avant le premier tour le 22 avril, mais a refusé de dire qui serait son Premier ministre.
Nicolas Sarkozy a par ailleurs annoncé lundi soir qu'il quitterait ses fonctions de ministre de l'Intérieur "un peu plus d'un mois" avant l'élection présidentielle, c'est-à-dire en mars.
Le candidat de l'UMP, a déclaré qu'il entendait faire son travail de ministre "le plus longtemps possible".
"Je le ferai jusqu'au bout", a-t-il poursuivi. "Je partirai à partir du moment où il y a un devoir de réserve qui s'impose pour les ministres, c'est-à-dire grosso modo un peu plus d'un mois avant" le scrutin.
Jean-Marie Le Pen (FN), Marie-George Buffet (PCF), et Olivier Besancenot (LCR) seront les invités de la même émission lundi prochain, avant la candidate socialiste Ségolène Royal dans deux semaines. AP