La révolte des humiliés de la République
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- Écrit par SEZAME
- Catégorie : Dossier
Une humiliation scolaire. L’école n’est pas vécue par une partie de ces jeunes comme un instrument de promotion mais comme le lieu d’une sélection qui transforme leur destin social en autant d’humiliations personnelles. A leurs yeux, la promotion par l’école est réservée à d’autres, qui savent tirer tous les bénéfices et qui sont généralement des « Blancs » quand eux sont généralement des jeunes issus de l’immigration. Ne serait-ce pas ces mêmes « jeunes de banlieue » qui, au mois de mars dernier, dépouillaient et frappaient les lycéens venus manifester pour défendre leur école ?
Une humiliation économique. Tandis que nous commentons des hausses ou des baisses d’un taux de chômage national entre 8 et 9 %, la situation d’une partie de la jeunesse est sans commune mesure. Le taux de chômage des jeunes à Clichy-sous-bois tourne autour de 30 %. Et si l’on cible les jeunes nés de père ouvrier et sortis de l’école sans diplôme ou avec un simple CAP, le taux de chômage dépasse les 50 % dans la plupart de ces quartiers qui s’enflamment de nouveau aujourd’hui. Sans emploi, impossible d’accéder à un logement et d’envisager de pouvoir fonder sa propre famille. La vie « normale » est interdite.
Une humiliation quotidienne dans les rapports avec la police. Les pouvoirs publics ne mesurent sans doute pas à quel point cette interaction est devenue au fil des ans un élément du problème. Lorsque des policiers presque tous « blancs » interviennent sur des populations qu’ils ne connaissent pas, contrôlent indistinctement tous ceux qui leur paraissent « suspects » (qui sont presque tous blacks ou beurs) et sont capables de faire preuve de la même violence verbale et physique que les délinquants qu’ils voudraient arrêter, alors il n’est pas surprenant que cette relation quotidienne soit perçue par ces jeunes comme le symbole d’une oppression et d’un racisme.
Une humiliation politique. Après l’échec du « mouvement beur » du début des années 1980, et tandis que les militants politiques et syndicaux ont déserté les quartiers populaires, la jeunesse de ces quartiers ne parvient pas à faire entendre sa parole dans l’espace politique. Pire : quand elle tente de s’exprimer et de s’affirmer d’une autre façon, ceci se retourne contre elle. Son engouement pour le rap est traité avec crainte ou condescendance. Son affirmation identitaire est accusée d’être une forme de « communautarisme » qui menacerait l’unicité de la République. Son affirmation religieuse est criminalisée au nom de la peur du terrorisme ou de la liberté des femmes. Cette jeunesse est donc à la fois privée d’avenir et privée de parole. Les grands frères se débattent dans ce marasme dépressif. Les petits frères expriment violemment leur envie d’exister.