l'appel pour le Nouveau témoignage chrétien Neuf personnalités de gauche et de droite réagissent à l'appel pour le Nouveau témoignage chrétien lancé le 8 avril par soixante chrétiens d'ouverture. Nous croyons en un avenir fraternel. » Par ces mots se concluait l'appel pour le Nouveau témoignage chrétien, publié en encart dans notre numéro du 8 avril. Ce texte repérant cinq sources de « résistance » contemporaines et des pistes de réflexion et d'action a déjà recueilli la signature de trois cents citoyens. Et ce n'est qu'un début...
Ce texte se veut une invitation à la mise en débat de questions de fond concernant l'avenir de notre société en essayant d'y apporter un « témoignage chrétien ». Il nous a donc paru logique de nous tourner vers des personnalités politiques et intellectuelles pour connaître leur réaction. En quelques jours, une dizaine d'entre elles, juives, musulmanes, chrétiennes ou sans religion, ont accepté de répondre à nos questions. Dans les extraits que nous publions ici, toutes expriment un intérêt soutenu pour cette démarche, certains croyant déceler le moment opportun pour ce type de parole. D'aucuns soulignent, dans un souci d'exigence intellectuelle, les limites ou les ambiguïtés de ce texte. Le débat ne fait que commencer... il va se poursuivre dans les colonnes des prochains numéros de Témoignage chrétien.
Témoignages
Gilles Martinet ( Ambassadeur honoraire, ancien dirigeant du PS ) : « Au-delà des clivages politiques »
J'ai connu TC au temps de son engagement pour des guerres coloniales. Il présente aujourd'hui un visage renouvelé. Cet appel exprime nombre de valeurs et peut susciter un enthousiasme au-delà des clivages politiques. Des thèmes comme la mondialisation, le libéralisme, les relations Nord-Sud peuvent trouver une convergence chez les croyants et les non-croyants. Votre démarche peut être similaire à celle de l'UGS (Union de la gauche socialiste) des années 1960. Ces chrétiens vivaient leur foi à travers leur engagement politique. J'ai peur, cependant, qu'un chrétien en liant son engagement politique à sa foi, tende à l'angélisme. L'approche vertueuse de la politique ne l'autoriserait point à la lutte.
Philippe Herzog (Député européen, président de l'association Confrontations) : « Une expression morale en politique »
Il ressort clairement de cet appel la volonté d'un renouveau de la démocratie. Nul doute qu'il répondra à un besoin d'expression chrétienne dans une société en recherche d'équilibre entre le spirituel et le temporel. Notre société voit s'essouffler ses laïcs et a du mal à trouver le juste comportement face à ses musulmans. Cet appel devra clarifier le rapport à la référence unique de la religion, à l'héritage chrétien en tenant compte des erreurs du passé mais aussi, et cela est très important, à construire un renouveau de l'expression morale en politique.
Roselyne Bachelot (Ancienne ministre, tête de liste UMP pour les européennes) : « Le souffle de Vatican II »
Face à notre société occidentale à bout de souffle, des valeurs détériorées en raison d'une industrialisation exacerbée, le besoin d'un renouveau devient de plus en plus pressant. Cet appel arrive à temps. Il entend d'abord apporter un souffle nouveau à l'intérieur de la famille chrétienne. C'est une preuve d'humilité. Elle se conjugue à cette force de résistance qui voudrait dire non à la mondialisation, au communautarisme, à nombre de dysfonctionnements qui minent notre société. Le souci pour le devenir de l'Europe et le développement durable me touche. J'aurais souhaité que la notion de diversité culturelle soit davantage développée. Nous devons aujourd'hui accepter l'idée que d'autres modes de vie existent bel et bien en France méritent tout notre respect. Tous ces éléments me font dire que le souffle de Vatican II doit continuer. Je serais prête à signer ce texte.
Bernard Stasi (Ancien médiateur de la République, président de la Commission sur la laïcité) : « Le devoir ardent de parler »
Il est des moments dans la vie de notre société où la parole s'impose comme un devoir ardent. Chômage, violence, mépris... ceux qui se sentent rejetés trouvent un refuge et une revanche dans les formes les plus violentes de l'intégrisme. Les religions sont trop souvent prises en otage. Il est dès lors nécessaire qu'un nouveau témoignage chrétien se fasse entendre haut et fort. Le débat sur la laïcité m'a surpris par l'intérêt qu'il a suscité. Plus d'un millier de citoyens nous ont écrit pour nous faire part de leurs convictions et inquiétudes. La redécouverte du fait religieux par nos concitoyens ne saurait être une revanche par quelque religion, en particulier par l'Église catholique. Il s'agit là d'une victoire de la laïcité, qui permet désormais aux religions de se consacrer, pleinement et en toute indépendance, à ce qui est leur essence même : aider les hommes, en ce monde obscur, à trouver un sens à la vie. Oui, ce nouveau témoignage chrétien vient à son heure.
Noël Mamère (Député-maire Vert) : « Un journalisme courageux »
J'ai beaucoup de respect pour les engagements de TC. C'est un journalisme courageux. Une presse militante qui ose se donner des défis de taille. Les voyages à Jérusalem et le Tour de France de la fraternité en sont un exemple. Cet appel défend une conception ouverte des chrétiens. Celle-ci doit se concrétiser par un apport social et éthique, en particulier pour le monde de la politique.
Roger Martelli (Communiste refondateur, directeur de publication de Regards) : « Reconquérir les milieux populaires »
La nécessité de la contestation de l'ordre marchand est, à mon sens, une exigence que doit porter la voix chrétienne. La tradition chrétienne porte en elle un ferment historique de l'engagement et Témoignage chrétien en est une confirmation toujours actuelle. Cet appel exprime une exigence de renouvellement qui entend s'opérer de l'intérieur et c'est pertinent. Cependant, il doit aspirer à une reconquête de l'engagement démocratique dans les milieux les plus populaires qui gardent au fond d'eux la foi chrétienne, même si bon nombre ont opté pour des choix de l'extrême. Je suis sensible à l'accent donné à la solidarité avec le Sud. Le christianisme a été capable d'inventer des principes d'émancipation telle la théologie de la libération. Aujourd'hui, il doit être capable de créer une véritable espérance sociale pour des rapports Nord-Sud plus équitables. Il faudrait, par contre, passer du nécessaire refus à la capacité de propositions alternatives. Je vous attends à l'épreuve du terrain.
Jean-Pierre Le Goff (Sociologue, auteur de « La démocratie post-totalitaire ») : « Sortir de l'incantatoire »
Cet appel est incontestablement une déclaration de foi. Ce qui est déconcertant est son degré de généralités. Dire que l'Évangile donne des outils pour penser la démocratie me paraît aberrant. En revanche, il est important qu'il puisse approfondir la place des religions dans l'espace démocratique avec tout ce que cela peut générer comme conflits et paradoxes. Je regrette qu'il n'ait pas fait mention du passé du journal et de sa position face au totalitarisme, en particulier ses liens avec le communisme. Est-ce une forme d'esquive ? La tradition chrétienne a beaucoup approfondi la notion du mal. Or, le texte ne développe pas la portée du tragique omniprésente dans nos sociétés. Les phrases toutes faites – « inventer des espaces qui permettent à chacun de devenir sujet et auteur de sa vie » – ne portent pas de sens . Parler « d'hybridations culturelles » sans évoquer le fait que l'altérité est très affectée par la peur de l'autre revient à dire que la question de l'islam n'est pas d'actualité. Or, la mobilisation des chrétiens sous-jacente à cet appel intervient à une période où se développe une peur de l'islamisme. Si votre appel est un acte positif auquel je reste très sensible, il ne doit pas rester au stade des discours incantatoires qui n'ont pas d'intelligibilité sur le terrain.
Shlomo Malka (Directeur de Radio communauté juive (RCJ) : « Se mobiliser pour le dialogue »
Je reconnais dans ce texte des interrogations qui sont tout à fait communes à une époque où les régressions à l'intérieur de chaque religion menacent et où les acquis, les certitudes ne sont plus assurés de pérennité. Des forces obscures menacent à chaque instant la dynamique du dialogue. Son enracinement dépendra en partie des efforts que chaque religion doit fournir. Cet appel stimulant peut mobiliser nos énergies pour que le dialogue soit respectueux de la vérité et la personnalité de chacun(e) d'entre nous. Il est fort dommage qu'il n'ait pu voir le jour dans une convergence de voix multiconfessionnelles.
Hakim El Ghissassi (Ancien directeur de la Médina) : « Transmettre les valeurs humanistes »
Ce texte démontre le caractère nécessaire de la visibilité sociale de la religion, et ce en raison de la forte sécularisation de la société. Mais affirmer sa foi pour avancer sur le terrain politique est, à mon sens, un pari dangereux. L'histoire du témoignage chrétien s'est révélée combative et soucieuse de la sauvegarde des valeurs humanistes. Son combat doit se poursuivre dans cette transmission. Cela demande une vigilance de tous les instants.
