C’était un rêve qui s’est réalisé, visiter al quods, le troisième lieu saint de l’islam, le lieu où le prophète Mohammed a guidé la prière des prophètes la nuit de l’israe et du miraj, une ville qui a été livrée par le patriarche de l’époque au deuxième khalife Omar sans effusion de sang. Omar a refusé de faire sa prière dans l’église du Saint-Sépulcre et l’a faite sur les escaliers qui constituent aujourd’hui la petite mosquée Omar attenante à l’église, et où est gravé le pacte signé avec le patriarche dans lequel il assure les chrétiens de sa protection ainsi que celle de leurs églises et leurs croix. Cette ville sainte a connu les Croisades et l’Occupation, les trois religions monothéistes ne cessent de vouloir la re-conquérir. La majesté de cette ville ignore les luttes du pouvoir et mène sa vie quotidienne avec une ferveur spirituelle qui émerge de chaque parcelle de terre foulée.
Cette ville, c’est d’abord la présence des trois monothéismes et un fort enracinement de la foi. Vous passez sans vous rendre compte du quartier musulman très bruyant et très animé, au quartier chrétien calme en déambulant par le quartier juif reflet de la richesse. L’ensemble étant sous le regard averti des jeunes soldats israéliens armés qui sillonnent la ville sans laisser l’occasion pour un débordement.
A l’entrée de la mosquée pour la prière de fajr, deux jeunes soldats forment le check-point afin d’empêcher les non-musulmans d’y pénétrer, les gardiens musulmans de l’esplanade sont aussi éveillés, ils vous lancent un salam ou une salutation à votre entrée quand ils ont des doutes pour voir la réaction mais tout se passe sans heurts. Enfin nous sommes dans l’esplanade tant imaginée, un espace ouvert qui domine la ville, avec à sa droite le mur de lamentation appelé aujourd’hui le mur occidental ou encore al-bouraq par les palestiniens. C’est par ce mur que Sharon est monté sur l’esplanade des mosquées, entouré de plus de 700 policiers, ce qui a donné naissance à la deuxième Intifada. A gauche, le mont des oliviers où Jésus a passé sa dernière nuit avant d'être arrêté.
La forte identité des trois communautés religieuses ne tolère pas l’ingérence ou le grignotement des espaces religieux. L’après midi, c’est un autre spectacle que nous livre l’esplanade des mosquées, un spectacle détonnant, des familles entières, des enfants, hommes et femmes ne laissent aucun coin de l’esplanade vide. La densité de la ville et l’absence de lieux de détente fait de l’esplanade le lieu par excellence des rencontres et des loisirs, tout se fait dans le calme, le respect.
Nous sommes restés ébahis devant ces femmes et ces hommes qui font la prière sur l’esplanade côte à côte. Au sein de la mosquée elle-même, un espace est réservé cependant aux femmes sans qu’il y ait une séparation nette comme celle que l’on rencontre dans nos villes européennes. Ce constat de liberté a poussé une jeune franco-marocaine au sanglot lors de son témoignage devant une assemblée de 170 Chrétiens faisant le voyage avec nous « je vous prie, ne croyez pas les médias, ne croyez pas ceux qui vous disent que la femme n’a pas de place chez les musulmans, ce que j’ai vu aujourd’hui me réconforte et me rassure ». Il faut dire que Jérusalem est loin de l’influence wahhabite et d’un islam rigoriste puritain non connu dans nos pays d’origine. Les témoins et les participants du voyage n’ont pu tenir leur larmes devants les témoignages émouvants à l’image de Dominique Vidal, le rédacteur en chef adjoint du Monde diplomatique, lorsqu’il dit « comment peut-on accepter que les arabes de France soient discriminés au point que même pour avoir un entretien à l’embauche, une chance sur dix seulement leur est donné par rapport aux Français », le Rabin Philippe Hadad à son tour qui se voit répondre de la part de son fils, « c’est bien la paix mais il y a des réalités ». Il ne peut cacher son émotion devant l’injustice et les incompréhensions, nous sommes tous déchirés lorsque l’Eveque Jacques Noyer et la pasteur Nicole Fabre présentent aux musulmans leurs excuses quant ils disent que « Jésus est fils de Dieu ». En effet, cette assertion est considérée comme un blasphème dans l’islam. Mais qu’importe. Jérusalem a cette force de faire vivre côté à côte les contraires par la confiance qu’elle met à chaque instant dans l’être humain.
Cette force que nous donne cette ville nous aide à surmonter le décalage avec les villes palestiniennes visitées comme Bethléem et Ramallah, ces villes entourées par les colonies afin de les asphyxier et délimiter toute expansion, le mur de huit mètres de haut vient confirmer la colonisation. Un sondage réalisé au sein de ces colonies révèle que 80 % de leurs habitants sont prêts à les quitter s’ils sont grassement indemnisés, « l’encouragement de la colonisation a privé des régions comme le Néguev d’un développement économique » selon Dominique Vidal. Le premier contact est de voir un groupe de femmes d’enfants et d’hommes escortés toujours par des jeunes soldats israéliens parce qu’ils ont réussi à traverser le mur de huit mètres séparant Bethlehem et Jérusalem loin de sept km. Ils ne voulaient que visiter le lendemain de l’Aïd la mosquée Al Aqsa. Ils reviennent ainsi à leur point de départ après le passage de check-point. C’est alors un autre monde dans lequel nous pénétrons, des maisons détruites par vengeance à un attentat-suicide. Des slogans sur les murs « Du silence s’il vous plait, les Arabes dorment » montre la lucidité des Palestiniens devant l’incapacité arabe à leur venir au secours.
Nous étions le premier groupe étranger à venir dans les territoires occupés pour présenter les condoléances au peuple palestinien après la mort de Yasser arafat. La photo de Jacques Chirac flottait à côté du défunt président palestinien Yasser Arafat, des condoléances sont présentées par les habitants de la ville à la famille et aux responsables, les chefs de tribus, les représentants de la société civile clament leur fidélité au chemin parcouru par Yasser Arafat et promettent une marche dans ce sens jusqu'à la libération des territoires occupés. Le chômage qui atteint plus de 70% ne permet pas l’ouverture des boutiques de la ville mais une impression est laissée à nous qui connaissons le monde arabe, c’est la dignité du Palestinien. Il n’y a pas de maison qui soit à l’état de non-finition comme cela est commun dans tout bassin méditerranéen arabe. La beauté architecturale des bâtisses fera des jaloux au sein de nos villes arabes, ces enfants qui jouent dans les rues et dans les camps reflètent cette dignité interne qui malgré la pauvreté ne veut pas exprimer la pauvreté.
Le passage à Ramallah et la visite de la Mokata (bâtiment qui abrite l’Autorité palestinienne) nous permet de présenter les condoléances au peuple palestinien. Nous sommes frappés par cette image de ce lieu tant vue sur nos écrans de télévision ; ce bâtiment détruit où repose le corps de Yasser Arafat. Un journaliste ghazaoui me posait la question « qu’est ce que représente pour vous Yasser Arafat ?». Ma réponse était courte et ne l’a pas convaincu. « C’est pour moi un homme de paix ». « Mais qu'est ce que vous proposez au peuple palestinien ? ». Là aussi ma réponse était tout aussi courte. « Continuer le chemin de la paix ».
Il y a aujourd’hui une nécessité à revoir la façon avec laquelle nous abordons nos relations avec le monde et nous-mêmes. Certes, le monde arabe est en position stratégique pour l’Europe et les Etats-Unis mais que faisons-nous pour l’amélioration du sort de nos populations, un travail sur soi est de plus en plus demandé. Ceci ne pourra se faire sans paix et la paix ne pourra se réaliser sans une solution politique. Les acteurs de l’accord de Genève ne cessent de le répéter à l’image de l’ancien président de la Knesset Abraham Burg qui avec humour dit : « Si les Palestiniens veulent rêver d’Al Khalil, qu’ils rêvent ; si les Israéliens veulent rêver du grand Israël qu’ils rêvent ; mais qu’ils aient deux Etats qui se respectent ». Sur la question très épineuse du retour des réfugiés, Salman khouri classe ces derniers en trois catégories : « ceux pour qui le thème est du business, ceux pour qui c’est une façon de se dédouaner parce qu’ils ont quitté les camps et la Palestine et ceux les plus majoritaires qui vivent dans les camps et qui veulent des réponses pratiques et réelles ». L’élection de Mahmoud Abbas, répond à cette volonté du peuple palestinien de s'engager sur le chemin de la paix.
Paix nom de Dieu, l'histoire d'une initiative
* Le 11 avril 2002, l'hebdomadaire Témoignage chrétien lance un Appel interreligieux pour la paix au Proche-Orient : " Au nom du Dieu de Moïse, de Jésus et de Mohammed, il faut cesser le combat ". Ce texte est signé par 124 personnalités juives, chrétiennes et musulmanes. Devant le succès de l'initiative, largement relayée par les médias, la signature est proposée aux lecteurs de TC et aux hommes et femmes de foi révulsés par toutes les violences en Israël Palestine. En quelques mois, plus de 13.000 signatures ont été recueillies. 3 voyages ont été réalisés en collaboration avec le voyagiste terre entière. Le troisième voyage s’est déroulé du 12 au 16 novembre 2004. 170 français, juifs, chrétiens et musulmans, ont participé en compagnie de grands témoins selon la formule de l’hebdomadaire TC : Hakim EL GHISSASSI, journaliste musulman, Nicole FABRE, pasteur et bibliste, Philippe HADDAD, rabbin, Jacques NOYER, évêque émérite d’Amiens, Dominique VIDAL, rédacteur en chef adjoint du Monde diplomatique.