La lumière de Bethléem.
Depuis dix-neuf ans, un scout catholique autrichien se rend en novembre, à Bethléem, en Palestine. Dans la grotte où la tradition veut que Jésus soit né, il allume une bougie. Ramenée à Vienne, la flamme a été distribuée cette année aux délégations scoutes de seize nations. En signe de paix, elle a diffusé la lumière de Bethléem dans chacun de leur pays. Grâce à cette opération, la lumière de Bethléem est passée dans la banlieue parisienne. Elle s’est en particulier arrêtée à Corbeil-Essonne. Une marche interreligieuse pour la paix, réunissant cent cinquante personnes, a été organisée en soirée dans la cité des Tarterêts. Ce quartier, on s’en souvient, n’a pas été épargné par la violence en novembre dernier. La lumière fut offerte aux différents lieux de culte de la ville. En échange, l’imam de la mosquée remit aux jeunes une bougie multicolore en déclarant : « L’infiniment saint est, par excellence, source de la paix et de la lumière. Allah appelle à la paix. Il faut propager autour de nous la culture de la paix. » Devant la synagogue, des jeunes musulmanes ont dessiné une colombe avec leur bougie. Autre moment émouvant de cette procession nocturne : devant la pagode bouddhiste encore en construction. « C’est un grand honneur pour nous, Vietnamiens bouddhistes, que vous soyez venus jusqu’à nous, s’est réjouit dans son mot d’accueil la responsable. Quelle merveille pour nous de voir vos mains d’hommes déposer cette lumière en notre lieu sacré ! » Cette manifestation est exemplaire. Par des gestes symboliques, simples et compréhensibles pour tous, des croyants de tous les horizons se sont montrés tels qu’ils devraient l’être toujours : des traits d’union dans leur ville, leur village et leur quartier.

L’Islam sur la table.
Restons dans l’Essonne, qui fait de plus en plus figure de département pilote en matière de dialogue interreligieux. Depuis cet automne, le diocèse catholique organise régulièrement des réunions d’information sur l’islam. La présence d’une importante communauté musulmane puis la construction d’une mosquée en 2005 ont incité les responsables catholiques à lancer cette initiative pour familiariser leurs fidèles au dialogue interreligieux. Les premières réunions rassemblaient une trentaine de personnes au centre paroissial de Corbeil. Elles sont maintenant une cinquantaine à y participer. La crise des banlieues a incontestablement aiguisé la curiosité des habitants. D’autant, estime le laïc catholique, responsable des relations avec les musulmans, que l’islam continue de souffrir d’une image de « religion étrangère ». Pour tordre le cou aux poncifs, aux simplismes et aux caricatures qu’engendre un trop plein d’ignorance, des intervenants qualifiés sont sollicités pour parler de l’histoire et de l’actualité de l’islam : Hakim El Ghissassi, directeur de Sézame ; Abdelhak Eddouk, président de l’association des musulmans de Grigny ; le théologien et islamologue Henri de La Hougue… Voilà une initiative qui mériterait de faire des émules un peu partout en France. Informer, apprendre, se rencontrer les uns les autres. Pour vaincre les ignorances mutuelles, pour dépasser les peurs que celles-ci génèrent, pour enfin incarner nos différences sans arrogance, il n’y a qu’une seule école qui vaille : l’école de l’intelligence de l’autre. Celle qui nous permet de mettre nos religions sur la table. Pour s’appliquer à discerner ce qui nous unit et nous divise. Pour comprendre que ce qui nous unit - la cause sacrée de l’homme - est plus important que ce qui nous divise.

Un soufi à l’abbaye.
Quelqu’un a dit que « la beauté sauvera le monde ». Le croire aide en tout cas à traverser sans trop de dommages bien des espaces de laideurs ! Mais la beauté a aussi des vertus pacificatrices dont on ne parle pas assez. L’art est son langage le plus fécond. Il est un moteur de fraternisation entre les cultures. Dernière illustration de cette vocation interculturelle de l’art : l’exposition Beauté et Paix organisée par une communauté chrétienne, nouvelle dans l’abbaye Blanche de Mortain (Manche). On y a présenté notamment les œuvres d’un plasticien contemporain algérien, Rachid Koraïchi. Mystique d’inspiration soufie, il a voulu rendre hommage aux sept moines de Tibhirine assassinés en 1996. Il a illustré leurs vies interrompues par la haine avec de superbes calligraphies qui célèbrent le mot amour en arabe. Dans le même souci d’ouverture interculturelle, qui faisait partie de la tradition de l’abbaye au temps des moines spiritains, les organisateurs présentent les œuvres d’autres créateurs tout aussi étonnants. Deux stylistes, l’une syrienne et l’autre française, ont créé des manteaux réalisés avec des chutes de tissus. Leur doublure en soie représente les douze stations du chemin de croix de Jésus. Ce type d’exposition, où l’on traverse les religions, les civilisations, les inspirations en passant d’une salle à l’autre, rend le visiteur plus léger et plus libre qu’il ne se sentait auparavant. L’art est un agent de voyage merveilleux. Le religieux, à l’origine de cette cure de paix et de beauté, frère Didier, est un guide inspiré et lucide : « Ces œuvres, dit-il, aussi diverses soient-elles ont pour mission de dire que tout être humain peut être reconnu et aimé dans sa différence et sa vérité. »

De Jérusalem à la Sorbonne.« L’habit ne fait pas le moine. » Vous connaissez tous, j’imagine, cet adage fameux. Un juif pieux, vivant dans le quartier ultra-orthodoxe de Meha Sharim à Jérusalem, l’a confirmé dernièrement. Dix-sept universités d’Île-de-France, dont la Sorbonne, et cinq grandes écoles ont décerné à Dov Hervé Maimon un prix prestigieux en récompense de la thèse de doctorat qu’il a consacrée à Abraham Maïmonide. Ce dernier était le fils du fameux philosophe et médecin juif du XIIe siècle. Il se distingua en Egypte en devenant le maître d’une confrérie qui s’inspirait à la fois de la mystique musulmane et de la piété juive. Ce dialogue médiéval judéo-musulman passionna Dov au point de consacrer dix ans de sa vie à la rédaction de sa thèse. Son impressionnant travail de mémoire a incité ce chercheur en histoire, père de huit enfants, à promouvoir le dialogue interreligieux entre juifs et arabes dès maintenant en Israël. Il a ainsi créé une association qui dénombre seize groupes de dialogue. Objectif fondamental : apaiser les relations entre juifs et musulmans. Pour cela, explique l’homme portant barbe et kippa, « il faut commencer par faire sortir la haine et le ressentiment sur tous les sujets, tant sociaux et économiques que religieux et culturels ». Ils sont ainsi de plus en plus nombreux, en Israël et en Palestine, à aller vers l’autre, avec les armes de l’esprit, sans rien renier pour autant de leur identité propre. Peu importe l’habit qu’ils portent ! L’essentiel réside dans ce qu’ils ont dans leur cœur et qu’ils propagent jour après jour autour d’eux pour faire tomber les murailles.