Paris, 6 et 7 mars 2006.
Le martyre et le suicide dans l’islam contemporain revêt une double importance. D’une part, on enregistre, dans le monde chiite et sunnite, une production intellectuelle extrêmement importante sur le sujet, qui non seulement concerne les religieux musulmans mais intéresse aussi les autres penseurs et, par-delà, la réflexion en Occident. D’autre part, les évènements actuels en terre d’islam et ailleurs montrent l’importance de ce phénomène qui interroge les sciences sociales. La conférence que nous proposons sur le martyre et le suicide dans l’islam contemporain intervient à un moment qui nous semble particulièrement appropriée.
On tentera, au cours du colloque proposé, de cerner la signification multiple de ce phénomène, en optant d’abord pour un éclairage géographique, et en s’intéressant à ses manifestations en Iran, en Irak, dans les territoires palestiniens, en Arabie Saoudite, au Pakistan, en Indonésie, en Algérie, au Maroc, en Tchéchénie, en bref dans le monde musulman. Mais on essayera aussi de comprendre le sens que revêt cette notion en Occident, dans des sociétés où existe d’importantes minorités musulmanes comme en France, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie, en Espagne, ou aux Etats-Unis.
On s’attachera à cerner la signification du « martyre » en relation avec les données historiques, sociologiques et anthropologiques, c’est à dire en observant comment le martyr s’inscrit dans des relations sociales au sens large du terme, local, régional, national, transnational, mais aussi, en termes ethniques : les groupes de parenté au sens propre mais aussi métaphorique, les alliances, les formes néo-communautaires, etc.
On tentera enfin de saisir la signification socio-anthropologique, psychologique et politique du martyre, en relation avec la naissance du nouvel individu, mais également en termes de genre (on recense de en plus de « martyres » femmes), en terme d’origine sociale (martyrs issus des couches sociales d’exclus ou martyrs appartenant aux couches moyennes), en rapport avec les avatars de la politique nationale, internationale et transnationale. Le martyre sera aussi étudié sous l’angle de la suppression de soi, comme traduction d’une attitude « suicidaire », entre le sacré et le profane.
La dimension politique du martyre est également à souligner. Sur une scène mondialisée où règnent les médias, l’explosion de soi des « kamikazes »-martyr(e)s revêt une signification symbolique éminente, remettant en cause la politique occidentale. L’Occident peut revêtir, dès lors, une dimension imaginaire, voire mythique.
Force est de constater que le terrorisme exercé au nom d’un certain islam, notamment celui d’Al Qaeda, frappe en règle générale davantage les musulmans que les Occidentaux, que ce soit en Irak, en Egypte ou au Pakistan ou ailleurs.
L’étude de ce phénomène devrait nous aider non seulement à comprendre ce qui se passe dans le monde musulman, mais aussi dans les diasporas islamiques d’Occident caractérisées par l’avènement d’un nouvel imaginaire marqué tout à la fois par une expérience quotidienne et la conscience de vivre dans un monde de plus en plus globalisé. On étudiera notamment l’importance des groupes intermédiaires, que ce soit les réseaux, les liens (locaux, mais aussi à travers l’Internet et autres), les formes d’association (centres culturels, mosquées, autres groupes) et les modes d’intervention (le style des groupes).
L’aspect idéologique du martyre sera abordé par les divers intervenants qui étudieront, notamment, comment la construction idéologique emprunte ses notions à l’islam, à l’Occident, aux groupes religieux en voie de modernisation, au « bric-à-brac » disponible sur les médias, peut-être même au fondamentalisme protestant ou encore, à l’extrême-gauche ou l’extrême-droite, etc.
Cette énumération non exhaustive permet de se faire une idée des problématiques qui pourront être abordées lors de cette conférence à laquelle seront associés, pendant deux journées, des spécialistes de différentes disciplines : sociologues, anthropologues, politologues, psychologues et chercheurs en communication.
Responsables et coordinateurs :
- Farhad Khosrokhavar (EHESS-CADIS)
- Hosham Dawod (CNRS)
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Programme du Colloque
Lundi, 6 mars 2006
Matinée sous la présidence de François HEISBOURG, ancien Directeur Général de l’Institut d’Etudes Stratégiques à Londres, Conseiller Spécial de la FRS, Paris.
I) 10h00–12h30 :
- Farhad KHOSROKHAVAR & Hosham DAWOD, (MSH-EHESS-CNRS) : Une Introduction générale au colloque.
- Maher SHARIF, (IFPO-Damas) : Les concepts de djihad et de martyre entre réformisme et islamisme.
- Farhad KHOSROKHAVAR, CADIS-EHESS : Le martyre chiite et le martyre sunnite à la Al Qaeda dans une perspective comparatiste
- Faleh A. JABAR, Directeur de l’Institut Irakien d’Etudes Stratégiques: Ideological roots of suicide bombers – The Salafi case in Iraq.
- 12h30 – 13h00, Discussion.
13h00 – 14h30 : Pause déjeuner
Après-midi sous la présidence de Maurice AYMARD, Directeur d’Etudes à l’EHESS
II) 14h30-17h30 :
- Silvia SERRANO, Maître de conférences à l’université de Clermont Ferrand : Du smertnik au chahid : les métamorphoses de la mort héroïque en tchétchénie.
- Mariam ABOU ZAHAB, rattachée au Ceri et chargée de cours à Sciences Po et à l'Inalco : Honneur et martyre dans les mouvements radicaux au Pakistan.
- Stephen C. HEADLY, CNRS-EPHE : Réflexions sur l’absence de shahid (martyre) à Java : rapport entre individualisme et cosmologie.
12h30 – 13h00, Discussion.
Mardi, 7 mars 2006
Matinée sous la présidence de Michel WIEVIORKA, Directeur d’Etudes à l’EHESS CADIS (EHESS-CNRS)..
III) 10h00 – 12h30 :
- Olivier ROY, CNRS-EHESS : Le djihad et le martyre globalisé.
- Pénélope LARZILLIERE, IRD : Martyre et islamo-nationalisme : le cas de la Palestine.
- Joseph ALAGHA, Lebanese American University: The LebaneseMartyrs: Hizbullah as a Case Study.
- 17h00- 17h30, Discussion.
13h00 – 14h30 : Pause déjeuner
IV) 15h00-17h00, Discussion générale